Vous pouvez retrouver mon article sur les préjugés qui existent sur la langue des signes, ici c’est d’un point de vue plus historique profitant de l’anniversaire de l’abbé de l’Épée.
Il y a 306 ans naissait Charles-Michel de l’Épée. L’abbé de l’Épée, véritable éducateur pour sourds, crée en 1756 la première école pour sourds. Il souhaite étendre sa méthode à la majorité de sourds possible pour qu’il puisse communiquer grâce à leur langue maternelle, la seule, selon lui, utilisable par les sourds.
Un code est créé, structurant la langue gestuelle au XVIIIe siècle, en France. Il désapprouve la technique d’obliger les sourds à parler et met en avant la nécessité pour les sourds de maîtriser la langue écrite. De plus, il organise la langue gestuelle des sourds de l’époque dans un nouveau code, il y invente de nouveaux signes correspondant à la morphologie de la langue française écrite. C’est par cela que l’Abbé de l’Épée a confondu la langue gestuelle et la langue française écrite ensemble, en transformant le système visuel de la langue des signes dans un système linéaire : celui de la langue française. Par cette méthode de « transcription visuelle » de la langue française écrite, l’abbé de l’Épée a pu démontrer efficacement aux entendants que les sourds peuvent d’être éduqués par une méthode gestuelle.
La France (la nouvelle Assemblée Nationale Française), en 1791, a reconnu le travail de l’Abbé de l’Épée et le proclame « Bienfaiteur de l’Humanité » au même moment on établissait que les sourds bénéficiaient désormais des Droits de l’Homme. Sa méthode n’a pas survécu car elle s’est avérée trop complexe à utiliser pour la véritable communication entre sourds. Cependant, pendant les cours de l’abbé, la langue des signes s’est surtout développée grâce à la réunion de sourds qui ont vraiment pu la pratiquer et la développer entre eux, leur langue naturelle.
Le successeur de la méthode de l’abbé de l’Épée est l’abbé Sicard qui sera l’un des premiers auteurs de dictionnaires systématiques des signes gestuels (1808). Ensuite le filleul de l’abbé Sicard développa un enseignement bilingue : français parlé et langue gestuelle (l’ancêtre de la langue des signes française LSF que l’on connaît aujourd’hui) avec un enseignement en langue des signes ne laissant le français parlé seulement pour les échanges familiers, nécessités quotidiennes et rendre le contact avec les entendants plus aisé.
Le développement de la langue des signes s’est arrêté brusquement avec la victoire de l’oralisme lors du congrès de Milan en 1880. Ce qui a donc entraîné avec une suppression de l’usage des signes dans les écoles françaises pour privilégier une éducation orale voulant les faire parler et ainsi les fondre dans la société des entendants. Cela a correspondu à un véritable endoctrinement des parents et du public en général en les convaincant que c’est la meilleur méthode ou plutôt la seule. La langue de signes gestuels a survécu dans ces conditions ce qui démontre qu’elle correspond à quelque chose d’indispensable et d’enraciné chez les sourds. La langue des signes gestuels a su garder sa valeur face aux pressions et aux interdictions.
Après des décennies d’oralisme il a bien fallu se rendre à l’évidence de l’échec de cette méthode et que de nombreux sourds étaient gravement sous-éduqués mais qu’ils utilisaient la langue des signes.
Après un peu moins de cent ans d’oralisme, les sourds étaient gravement sous-éduqués et victimes d’illettrisme : c’est-à-dire qu’ils ne pouvaient correctement acquérir le langage parlé ni employé couramment le français écrit. Bien qu’on leur ait interdit de signer, les sourds ont continué, pendant tout ce temps, à communiquer entre eux en utilisant la langue gestuelle. En effet, elle est devenue, petit à petit, la langue des signes française après avoir été reconnue et complètement acceptée en tant que telle (en 2005 pour la France). Il aura fallu des études linguistiques et psycholinguistiques, à partir des années 60, pour que l’on puisse dire que la LSF est un vrai langage puis qu’elle soit ensuite dite et considérée comme une langue à part entière.
Grâce au congrès de Paris 1971 et de Washington 1975, le monde des entendants a pu découvrir la richesse de la langue des signes et l’efficacité des traductions simultanées en langue des signes. Ce congrès de Paris a réellement entraîné une prise de conscience que la LSF est un instrument d’une véritable culture sourde. En 1975, les personnes changeant d’avis ont pu découvrir le niveau des communautés sourdes américaines qui utilisent la langue des signes.
Cela a mis longtemps donc pour que la langue des signes soit réintégrer officiellement dans la société et dans l’éducation mais encore un long chemin à parcourir pour un véritable accès à l’éducation et à l’information pour les sourds d’aujourd’hui.